Dans ses « tableaux » textiles, l’artiste ivoirien Charles-David Gnangoran, alias Chada, n’assemble pas seulement des morceaux de tissu, il recoud des fragments de mémoire et suture les blessures.
Nous avions rencontré Chada en 2023 à Tétouan, lors de la Biennale des écoles d’art de la Méditerranée. Originaire d’Abidjan, ce jeune homme né en 1998 faisait alors ses classes à l’École des beaux-arts de Marseille, partenaire de la manifestation. Il était venu assister à différents workshops et s’était essayé à la technique du cyanotype. Expérience concluante qui l’a conduit par la suite à intégrer la sérigraphie à ses compositions textiles. Ce premier séjour au Maroc résume l’attitude de cette étoile montante, ouverte à la fois aux expérimentations artistiques et plaçant le voyage et l’itinérance au cœur de sa pratique.
Son projet se construit alors qu’il termine un cycle aux Beaux-Arts d’Abidjan, en spécialité architecture d’intérieur. Il décide de partir sur les routes en quête des traditions artisanales de son pays. « Je voulais faire un état des lieux des différents savoir-faire, explique-t-il. Ce qui m’intéressait était de comprendre comment les habitudes avaient évolué après l’époque coloniale. » Le voilà à la recherche des céramistes, des sculpteurs et des tisserands dont il mesure alors le degré d’acculturation. « Ils ne savent plus pourquoi ils utilisent certains symboles et autres couleurs », constate-t-il, évoquant différents motifs de la culture akan – arbre, oiseau, triangle ou tête d’éléphant – dont le savoir se serait perdu. De ses nombreuses pérégrinations qui le mèneront aussi à Tlemcen, en Algérie, il rapporte souvent plusieurs matériaux : la toile de jute, emblématique du commerce triangulaire de la traite transatlantique, ou différentes argiles, qui le conduiront à réaliser ses premières céramiques, réunies parfois sous la forme d’installations.
