Vive l'Espérance.
Dans la mythologie grecque, lorsque Zeus, roi des dieux de l'olympe donnait vie à la terre, seuls les humains en étaient les uniques résidents. Le titan prométhée leur protecteur, qui était tombé en disgrâce avec les dieux pour leur avoir dérobé le feu en faveur des hommes, en avait fini par devenir un farouche opposant et ennemi.
Tombé sous le courroux des dieux, il avait été frappé du terrible châtiment qui le maintenait enchainé au caucase et vivait constamment dans la peur de voir infliger à l'humanité tout entière, des sanctions dont il ne pouvait ni deviner, ni même soupçonner la fureur.
Mais Prométhée avait un frère, Épiméthée.
A celui-ci, il avait fait jurer de n'accepter aucun cadeau ni aucune faveur venant de l'Olympe et de ses Dieux dont il connaissait la fine ruse. Épiméthée était réputé pour être quelque peu "déraisonnable", et c'est à lui que Zeus fit cadeau de sa plus belle créature, le plus bel objet du désir des hommes, la toute première femme humaine, façonnée par l'excellent Héphaïstos et animée par la déesse Athéna elle-même.
Elle était aussi gracieuse que capricieuse, dotée de tels hauts pouvoirs de séduction que les dieux eux-mêmes se pressaient pour admirer sa beauté. On l'appela Pandore.
Et Épiméthée ne put refuser cette offrande oh combien singulière !
Envouté par l'amour, ce sentiment qui lui était jusque-là inconnu, et tellement fier de posséder à lui tout seul, l'objet de toutes les convoitises, il succomba aux charmes de pandore au point où il laissa tomber dans l'oubli, la promesse faite à son frère prométhée. Rien ne comptait désormais à ses yeux plus que l'amour qui brulait en lui pour la précieuse offrande de Zeus.
Mais Pandore n'est pas venue toute seule sur la terre des humains.
Les Dieux, avant d'envoyer la sublime créature sur la terre, lui confièrent une mystérieuse boite sans lui en dévoiler le contenu. Elle devait la dissimuler précieusement et se garder de ne jamais l'ouvrir.
Pandore qui savourait le parfait amour aux côtés de son cher époux, ne pouvait toutefois s'empêcher de penser au contenu de cette fameuse boite, elle était habitée par la curiosité et ne se retenait qu'au souvenir de l'interdiction ferme des dieux. Mais aucun soleil ne se couchait sans que ses yeux ne passent et repassent sur cette petite boite, le désir et la tentation s'en trouvaient décuplés. Et un jour, n'en pouvant plus, brisant les nœuds de son hésitation, elle posa ses délicates mains sur le couvercle de la boite et l'ouvrit.
Elle a ouvert la boite de Pandore.
Aussitôt que le couvercle quitta son socle, tous les maux s'échappèrent de la mystérieuse boite. C’est ainsi que la guerre, la maladie, la vieillesse et tous les autres fléaux envahirent la terre des humains. Pandore se pressa de refermer la boite mais en vain, il était trop tard, ils s'étaient déjà échappés.
Tout le contenu s'était échappé...tout, sauf un qui trop fragile et solitaire, tout au fond de la boite, mettait du temps à s'éveiller. Ce retardataire, c'était l'espérance. Ainsi est-elle perçue en partie comme un terrible mal, le plus grand supplice que l'homme porte en lui, nourrissant à la fois, la possibilité de changer le cours des évènements, d'atténuer le chaos pour ne pas se résigner à la défaite et à l'inaction mais aussi comme un idéal à jamais inaccessible.
L’Espérance demeurera dans l'esprit de l'humain, ce sentiment qui ouvre à l'infini, le champ du possible. Et plutôt que de lui infliger la désolation, elle le maintien actif, résistant à l'altérité et à la vanité de sa condition.
Si le ton du mythe est pessimiste, celui du narratif de Yeanzi lui, prend le contre-pied.
N'est-ce pas là, le pas qui reste à franchir entre la mythologie et la réalité ?
C’est à cette réflexion critique que nous invite l'artiste à travers ce tout nouveau projet.
S’il évoque la boite de pandore, c'est avant tout pour marquer la passion qu'il a toujours eu pour les mythes et l'espace infini qu'ils offrent à l'esprit humain pour se penser et penser le devenir de la société.
Il convoque ainsi l'espérance comme l'ultime ressource qui rend encore possible, le salut de l'homme en tant que maillon fondamental de la construction de son propre apogée mais surtout de celui de la société en dedans de laquelle il vit et se constitue.
Cette société, Yeanzi l'appréhende dans sa singularité, sa particularité, sa culture.
" Il existe une réponse culturelle à toutes questions, tous problèmes d'ordre sociétal" dit-il. Et c'est cela qui justifie sa démarche actuelle. C’est donc tout naturellement qu'il porte un regard particulier sur son pays, la Côte d'Ivoire.
Dans sa nouvelle production, Yeanzi pose les éléments de cette sémiologie dans sa figuration narrative. Ses personnages portent le monde, symbolisé par un lumineux globe terrestre. Le poids de la responsabilité de son équilibre repose tantôt sur leurs épaules, tantôt sur leurs têtes. Mais ils ne se trouvent toutefois pas écrasés par ses maux, ses complexités. Ils semblent plutôt, dans leurs majestueuses postures expressives, la porter, la supporter.
La pièce maitresse de cette scénographie convoque des figures cardinales qu'il considère comme des références dans cette quête où l'espérance apparaît comme l’énergie communément entretenue à travers leurs œuvres. Ainsi, Imhotep, Leonard de Vinci ou encore Cheick Anta Diop, partagent-ils ce jardin de mémoire avec Jems Kokobi et Alpha Blondy. Au centre de la composition, le personnage principal, le néophyte, les yeux plongés dans le livre de la connaissance universelle, pense le monde en même temps qu'il le porte fièrement.
Yeanzi revient exposer à Abidjan après de longues années de présence sur la scène internationale des arts, couronnée par sa participation à la 59ème biennale de venise dans le pavillon de côte d'ivoire. Ce projet est une invitation à l'espérance. Et même si s'était déjà ouverte dans cette société, la boite de pandore, qui plus que lui, se sentirait-il légitime pour rechanter à notre esprit, comme un hymne à la résilience, le chant qui fonde l'essence même de notre conscience commune.
Salut ô terre d'espérance.
Sess Essoh